Joe Biden © Page Skidmore-Commons.wikimedia.org

Quelle politique fera Joe Biden ?

Après sa difficile élection, quelle sera la politique du tandem démocrate Joe Biden-Kamala Harris ? A priori rien de bien sympathique avec un retour en puissance d’une gauche idéologue et sectaire.

Après avoir été le 47e vice-président du pays de 2009 à 2017, sous la présidence de Barak Obama, Joe Biden a donc gagné la présidentielle américaine le 3 novembre 2020 puis été intronisé 46e président des États-Unis le 20 janvier 2021, après une campagne très tendue, verbalement violente, de ces campagnes habituelles aux États-Unis. Avec sans doute un zeste d’agressivité supplémentaire lors de ce scrutin, mis sur le dos du président Trump, tant par la masse des médias américains, d’obédience démocrate, que par leurs clones français pour qui l’affrontement Trump contre Biden confinait à un conflit binaire entre le Bien et le Mal. Une manière de présenter et de vivre la démocratie libérale et représentative à laquelle nous sommes désormais habitués et qui vise avant tout à maintenir au pouvoir en Occident le corpus idéologique « progressiste » libéral-libertaire.

Un progressiste, cela mord…
Quoique s’affichant comme le défenseur du « Bien », attaché à la liberté ou à l’égalité, le courant représenté par Biden ne fait pas dans la dentelle. Le mandat de Donald Trump l’a clairement démontré, avec un président, peu importe l’opinion que l’on peut avoir à son propos, qui a été la cible permanente, dès l’orée de son mandat, d’attaques toutes plus haineuses les unes que les autres. Un « populiste » conservateur à la tête des États-Unis, que pouvait-il arriver de pire aux tenants de la mondialisation prétendument heureuse et du déracinement ? Cette violence contre un homme qui était le président de l’une, peut-être encore de la principale, puissance du monde laisse pantois tant elle démontre la force de l’idéologie dominante. Outre la volonté de dénigrer en permanence les politiques de Trump, plutôt réussies avant le coronavirus, sur le plan économique par exemple, ou de le faire passer pour une sorte de « bouffon » stupide, les démocrates ont aussi tenté par deux fois d’imposer un empeachment, procédure politique et judiciaire visant à destituer le président. Une première fois sur la base d’accusations portées contre lui dès 2017 : il aurait été élu grâce à l’aide numérique de la Russie. Affirmation jamais démontrée, pourtant reprise à satiété dans les médias progressistes, de l’ordre de 90 à 95 % des médias dans les pays occidentaux, et qui a été infirmée puisque Trump a été acquitté.
La deuxième procédure a été menée en janvier 2021 et tenait du grand guignol, les démocrates ayant lancé une action de destitution d’un président des États-Unis qui n’était plus… président. L’accusation ? L’ancien président serait responsable de l’envahissement du Capitole début janvier, avec morts à la clé. Trump aurait poussé ses « partisans » à donner l’assaut. C’est ainsi que la belle histoire progressiste est racontée, en une Geste de la lutte éternelle du « Bien » démocrate contre le « Mal », le conservatisme « obscurantiste ». En réalité, les images montrent quelques centaines de personnes éparses se dirigeant tranquillement vers le Capitole, puis pénétrant dans ce haut lieu de l’histoire de la démocratie américaine, avec une étrange facilité.
Accusation étonnante pour qui a écouté le discours de l’ancien président lors d’un meeting qui se tenait ce jour-là à proximité du Capitole : bien sûr, il reproche aux démocrates d’avoir gagné de façon déloyale et encaisse mal la défaite. Surtout, il ponctue son discours, calme, par ces mots : « Je vous invite à vous rendre devant le Capitole afin de manifester pacifiquement et patriotiquement votre désaccord. » Pas de quoi provoquer une révolution. Et amplement le temps, pour la police, de sécuriser le bâtiment. De cette dernière procédure ubuesque d’empeachment d’un président n’étant plus président, il ne reste rien : Trump a été logiquement acquitté. L’objectif était de le mettre sur la touche politique, objectif non atteint. Un autre objectif était de légitimer le côté « camp du Bien » du binôme Biden/Harris.

Le retour du progressisme
Joe Biden est le représentant d’une vision du monde, d’une idéologie, au sens d’un ensemble d’idées susceptibles d’orienter les comportements des personnes : le progressisme, véritable religion inversée, décrite par divers penseurs, de Philippe Muray à Pierre-André Taguieff en passant par Christopher Lasch, conception du monde totalisante et donc par nature exclusive des autres.
C’est avant tout de cette idéologie dont les politiques de Biden seront le nom. Et la nomination de Kamala Harris, ancien procureur de Californie puis sénateur démocrate, est à cet égard révélatrice. Il s’agit pour Biden, tout de même prototype du « vieux mâle blanc hétérosexuel patriarcal » fustigé par les branches les plus radicales du progressisme, y compris au sein de son propre parti, de lancer un signal vers cette gauche du parti démocrate et vers les tenants de la diversité ou des théories postcoloniales et du genre, tous ceux pour qui il faut faire table rase de toute forme d’héritage, à commencer par la civilisation chrétienne – le tout prenant souvent le ton d’un racisme anti-blanc.
L’idéologie qui sous-tend les parcours politiques de démocrates comme Biden et Harris est celle d’une marche inexorable vers un monde meilleur, marche fondée sur le progrès technique, en particulier dans le domaine de la bioéthique, domaine où il s’agit de reculer toujours plus loin l’illimité, tant en ce qui concerne le prolongement des délais d’avortement que pour la recherche visant à augmenter toujours davantage l’espérance de vie. Si la violence de la campagne démocrate menée contre Trump par tous les pouvoirs, culturels, politiques, médiatiques, a été telle, c’est justement parce que les tenants du progressisme se considèrent comme des « élus » possédant la connaissance de ce qui doit nécessairement arriver. C’est pourquoi, le parti démocrate et son idéologie n’ont que l’apparence d’une pensée démocratique. Au fond, la vision du monde de ce courant politique est sectaire, désireuse de réaliser le « paradis » sur terre. Les progressistes rééditent perpétuellement la cause de la Chute, le fait pour l’homme de se prendre pour le Créateur dont il n’est que l’image. C’est aussi pourquoi ils sont souvent athées.

Ce que Biden et Harris vont faire
Les premières annonces de la présidence Biden/Harris, ainsi que leurs choix politiques anciens, donnent une idée de ce que le binôme va mettre en œuvre afin de redonner une dynamique progressiste aux États-Unis. Un patchwork en attendant de voir ? Bien que s’affirmant catholique pratiquant, Biden a annoncé être favorable à un financement public de l’avortement et du mariage homosexuel. Dans ce domaine, Harris est farouchement pour des mesures radicales concernant les « minorités » sexuelles, en particulier les transgenres. Biden est contre la peine de mort, pour la régulation des armes et la régularisation des immigrés illégaux, laquelle est du reste l’une de ses premières mesures.
Au plan international, le nouveau président tient la Russie pour « un ennemi de l’ordre libéral international », veut maintenir l’ambassade américaine à Jérusalem, entend supprimer l’interdiction d’entrée de certains musulmans sur le sol américain et faire revenir son pays dans les accords de Paris sur le « dérèglement climatique ». Un point trop peu remarqué : Biden et Harris ont mis un terme à la commission instaurée par Trump pour revoir la manière dont l’histoire des États-Unis est enseignée. Il importe au contraire de réécrire l’histoire, celle qui se termine en déboulonnages de statues. Le monde ancien et rêvé des progressistes américains est donc de retour. Et ce n’est pas une bonne nouvelle.

Matthieu Baumier

© LA NEF n°334 Mars 2021