En ces temps de pandémie, plus encore qu’à l’ordinaire, comment ne pas être frappé par le conformisme moutonnier de nos concitoyens et par leur absence de goût de la liberté, la sacrifiant allègrement plutôt que d’accepter la part de risque inévitable liée à son usage ? La façon dont le gouvernement a infantilisé les Français depuis le premier confinement – sans même envisager qu’il pût jouer la carte de la confiance, épargnant ainsi les relations sociales et l’économie – et l’acceptation assez générale de cette situation humiliante sont révélatrices de la mainmise du pouvoir et des médias sur des esprits de moins en moins capables ou désireux de s’émanciper de cette double tutelle.
Si la crise sanitaire est un cas d’école exemplaire de ce désamour pour la liberté, il est hélas loin d’être le seul. Il y a longtemps déjà que les lois anti-racistes, mémorielles, etc., limitent la liberté d’expression tout en donnant à des associations ad hoc un pouvoir indu d’exercer une vigilante police de la pensée, alors que les lois existantes suffisaient largement. Mais la machine s’est emballée avec l’apparition de la théorie du genre d’abord, puis maintenant avec les thèses « décoloniales » et la « cancel culture » ou encore avec le « wokisme ».
Contre le bon sens le plus élémentaire
Toutes ces billevesées n’auraient jamais dû s’étendre au-delà des groupuscules restreints qui les ont conçues, tant elles heurtent le sens commun le plus élémentaire. Elles se sont pourtant imposées avec la complicité du monde de la culture et des médias tout acquis aux idées les plus progressistes. Ce système, garant du politiquement correct, verrouille tout débat, élimine ou disqualifie toute opposition et entrave de ce fait la liberté d’expression.
La lourde tendance à vouloir faire taire l’adversaire, tout particulièrement en le diabolisant, est, en France, l’apanage d’une certaine gauche. On l’a encore observé tout récemment lorsqu’une ministre a osé évoquer la présence de « l’islamo-gauchisme » à l’université : alors qu’il est une évidence qui crève les yeux, cette gauche n’a pas cherché à répondre par le débat qu’elle refuse, elle s’est offusquée d’une telle audace et a exigé que la ministre s’excuse ou démissionne.
Je parle d’une certaine gauche, mais force est de constater qu’elle englobe de plus en plus l’ensemble de la gauche jusqu’aux écologistes. Certes, il reste des chevènementistes attachés à la nation ou des intellectuels qui échappent à ces travers sectaires et qui se disent encore de gauche comme Jacques Julliard, Natacha Polony ou Michel Onfray – sans parler de Jean-Claude Michéa qui ne s’estime pas de gauche mais socialiste. Hélas ! si sympathiques soient-ils, ils ne pèsent plus guère à gauche – et beaucoup d’autres, tel Alain Finkielkraut, ont fini par la quitter pour penser librement.
La haine de la France historique
La caractéristique de cette gauche est sa haine viscérale de la France prise dans la totalité de son être historique et tout particulièrement de sa dimension chrétienne. Sans doute puise-t-elle sa répulsion dans la Révolution et ses suites ; l’internationalisme marxiste appelant à l’union des prolétaires de tous les pays a concouru à ce rejet de la nation et gravé dans le marbre son schéma de pensée : l’histoire est régie par la lutte des victimes contre leurs oppresseurs, hier les prolétaires contre les bourgeois, puis les « démocrates » contre le « fascisme » toujours renaissant, aujourd’hui les « racisés » contre les Blancs, les musulmans contre les Occidentaux, les femmes contre les hommes, les LGBT contre la terre entière… Bref, toujours il s’agit de dresser les hommes les uns contre les autres, les bons contre les mauvais, jusqu’à renverser la suprématie des « méchants », y compris par la violence – d’où, en passant, l’explication de la posture morale qu’affectionne la gauche, reposant sur l’idéologie victimaire, une personne de couleur, un musulman, une femme, un homosexuel… étant par nature des victimes de l’ordre patriarcal blanc, hétérosexuel et chrétien. Aucune amitié sociale, ni même une simple paix, n’est possible selon cette logique marxiste remise au goût du jour qui attise les divisions : c’est une philosophie politique de guerre civile.
Aucune société ne peut perdurer dans la haine de soi comme nous y pousse cette gauche sectaire et profondément antidémocrate. Celle-ci a réussi à imposer ses visions délétères et folles en raison de la lâcheté de la « majorité silencieuse » qui finit par tout accepter, mais plus encore en raison de l’absence d’une opposition décidée, aussi bien chez les autres gauches qui ont enfourné le train progressiste en abandonnant le social que chez les droites qui, sauf quelques exceptions, n’ont toujours pas saisi la primauté du combat des idées et de sa dimension culturelle.
Que faut-il faire pour qu’elle le comprenne ?
Christophe Geffroy
© LA NEF n°335 Avril 2021