Le juste appel des généraux

Les deux tribunes successives rédigées et signées par des militaires, parfois de haut rang, auront jeté une lumière crue sur les peurs qui habitent toujours la République française. Toujours incertaine de sa légitimité, Marianne gouverne mal mais se défend bien, comme l’on sait. Aussi, les réactions outrées, ou faussement outrées, de la classe politique se récriant en bloc devant ce simple rappel des sinistres faits détruisant et endeuillant la France, comme si planait la menace d’un pronunciamiento, sont-elles d’un pathétique achevé, surtout venant de personnes qui ont globalement failli à leur mission de recherche du bien commun.
Que disent ces militaires qui vaudrait qu’on les empêchât de parler ? Rien d’autre qu’un rappel au gouvernement de ses devoirs, rien d’autre qu’un tableau sombre mais hélas juste du désordre français. Rien d’autre que cette réalité qui s’annonce que, les policiers étant ou désarmés, psychologiquement et matériellement, ou bien maltraités par la justice même qui devrait les seconder, qu’un jour donc il faudra bien employer les militaires qui n’en ont d’ailleurs guère envie pour éteindre ces braises de guerre civile. On notera que, d’un autre côté, ça ne gêne personne que, depuis quinze ans, on fasse patrouiller des pauvres soldats dans nos rues pour rassurer faussement la population. Donc on a déjà décidé que la France avait besoin de l’armée pour faire régner l’ordre.
Quand Mélenchon et compagnie dénoncent les factieux, soixante ans après un putsch raté, ils dévoilent leur visage de haine générale de la France, comme l’a confirmé plus tard leur refus de soutenir les policiers en colère manifestant devant l’Assemblée nationale. Ils montrent combien, infusés de Black lives matter, de Traoré et autres islamo-gauchismes, leur but est bien d’en finir avec les fondements mêmes de cette nation et partant de notre civilisation. D’où peut bien venir cette haine, qui n’est même pas haine de soi comme on le dit trop souvent puisque bien entendu de l’ordre qu’ils rêvent de mettre à bas ils se mettent à l’écart, n’ayant hérité selon eux de rien de ce qui fut français ? Elle a de longues et antiques racines, cette haine, notamment chez les Mélenchon, enfants de la République anticléricale, enfants des Lumières sanglantes qui rêvent de « désassigner » tout le monde, sauf évidemment leur prolétariat de substitution, migrants, Noirs, musulmans, victimes de toute la terre dont la fraîcheur nouvelle devrait rénover notre monde ancien, notre France moisie. Mélange de rousseauissme mal digéré, de léninisme et de racisme dissimulé, leur répugnante soupe se marie habilement avec le « genrisme » pour former une cancel culture où nul n’est héritier de quoi que ce soit (sauf des crimes de ses aïeux pour ce qui nous concerne), où nul n’est lié à rien, sexe, genre, race, nation, foi, moeurs, où la limite posée au haïssable moi n’existe plus.

Refuser la négation du réel
Cette menace d’effondrement de notre civilisation est hélas aujourd’hui très probable, et c’est comme si nous étions collectivement tétanisés par le regard de la gorgone. Comme si le gouffre qui s’ouvre sous nos pieds, nous ne souhaitions le voir, semblables aux enfants qui, cachés sous leur couette, croient éloigner le monstre nocturne. Alors, quand des militaires énoncent une vérité toute simple, criant que le roi est nu, il faut leur couper la tête. Il faut poursuivre dans la négation du réel, en espérant que la catastrophe n’arrivera qu’à la génération future. Et comme de même que nous ne savons plus faire de nos enfants des Français, nous n’avons pas su faire des nouveaux arrivés des Français, les chances que ce vieux pays d’un vieux continent poursuive sa course sont chaque jour plus minces.
C’est alors qu’il faut l’espérance, car seule cette petite fille peut ranimer nos âmes endormies.

Jacques de Guillebon

© LA NEF n°337 Juin 2021