Grégor Puppinck © DR

Avortement : un conflit mondial

Alors que j’écris ces lignes, le combat pour la défense de la vie humaine se mène au Parlement européen contre la Résolution Matic, mais aussi au sein de parlements nationaux (en France, à Malte ou encore à Gibraltar), devant des juridictions : à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contre la clause de conscience, à la Cour interaméricaine des droits de l’homme contre l’interdiction de l’avortement, ou encore à la Cour Suprême des États-Unis contre l’introduction d’un délai légal antérieur au seuil de viabilité. À chaque fois et en tous lieux, les mêmes lobbies de l’avortement agissent, et à chaque fois, quelques groupes pro-vie chrétiens tentent de résister.
Au-delà des arguments, l’issue de ces combats dépend largement des forces en présence au sein de ces instances, d’où l’importance de la composition de la CEDH ou de la Cour Suprême. En effet, depuis l’origine du Planning Familial, la promotion de l’avortement a toujours été faite par un petit groupe de militants, de préférence via les tribunaux plutôt que les urnes, et grâce aux soutiens de fondations et de milliardaires anglo-saxons, tels que, par ordre chronologique, les fondations Rockefeller, Ford, Open Society, et surtout Gates, en lien avec des instances internationales, en particulier la Banque Mondiale et le Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population (FNUAP). Ces fondations et institutions financent et collaborent étroitement avec les multinationales de l’avortement que sont la Fédération Internationale du Planning Familial (IPPF) et Mary Stopes International. Ce sont ces grandes institutions qui décident d’ouvrir un nouveau front, tantôt en Irlande, puis en Pologne ou en Amérique latine. Elles disposent d’un budget quasi illimité, en milliards de dollars. La Fondation Gates, à elle seule, a versé plus de 25 millions de dollars depuis 2010 à la branche européenne de l’IPPF et près de trois millions de dollars, rien qu’en 2018, au European Parliamentary Forum on Population and Development (EPF), le lobby de l’IPPF auprès des institutions européennes, l’auteur probable du Rapport Matic. L’EPF est aussi financé par 22 autres organisations dont les fondations Open Society de George Soros, Nike ou Hewlett, etc.
L’objectif du lobby de l’industrie de l’avortement est de normaliser le recours à cette pratique en la présentant comme une composante essentielle des droits de l’homme, et comme exigeant par conséquent de « lever tous les obstacles à l’accès à l’avortement », en particulier la clause de conscience des professions médicales, et jusqu’à l’existence de délais légaux. La reconnaissance de l’avortement comme un droit de l’homme permet aussi de dénoncer les opposants pro-vie comme des ennemis des droits de l’homme, et de justifier l’atteinte à leur liberté d’expression. C’est ainsi que la Résolution Matic recommande de lutter contre la « désinformation » pro-vie.

Des attaques de plus en plus violentes
Les attaques contre les opposants à l’avortement se font de plus en plus fortes, violentes, à mesure que le conflit est exacerbé. En effet, nous assistons à un renforcement simultané des deux camps. Les « pro-vie » se renforcent aux États Unis, dans plusieurs pays d’Europe centrale et ont même remporté des victoires en Europe occidentale, tandis que les « pro-mort » renforcent leurs positions dans les instances internationales, et dans les pays pauvres. De plus en plus, nous avons le sentiment de l’imminence d’une lutte finale ; c’est en cela que la guerre est mondiale.
Contre les pro-vie, l’industrie de l’avortement a décidé d’employer de grands moyens. C’est ainsi, par exemple, qu’en 2019, l’IPPF a formellement pris la décision d’attaquer les personnes et organisations résistant à l’avortement et en a confié la mission au bureau européen de l’IPPF et à l’EPF. Simultanément, l’organisation britannique OpenDemocracy s’est aussi engagée dans ce combat au moyen d’une initiative dénommée « Tracking the Backlash » – c’est-à-dire « traquer la réaction » – financée notamment par l’Open Society à hauteur de 407 000 dollars pour 2019. Ensemble, ils ont entrepris d’enquêter sur les réseaux conservateurs pro-vie et pro-famille, et de publier des rapports et articles alarmistes, dénonçant l’existence d’un complot christiano-conservateur tentaculaire, composé d’aristocrates, d’oligarques et de néo-croisés fanatiques… L’objectif de ces récits conspirationnistes est de faire peur, de faire accroire en l’existence d’un adversaire redoutable contre lequel il convient d’employer de grands moyens.
Les responsables de l’IPPF, l’EFP et de OpenDemocracy ont été reçus officiellement par deux commissions du Parlement européen, en parallèle du débat sur le rapport Matic, pour demander qu’une enquête officielle soit initiée, et que des mesures soient adoptées contre les réseaux conservateurs. À l’ONU, on observe actuellement une initiative similaire contre les défenseurs de la famille. La défense de la vie et de la famille serait une atteinte insupportable aux droits de l’homme dénaturé.

Grégor Puppinck

Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ (European Centre for Law and Justice), auteur notamment de Les droits de l’homme dénaturé (Cerf, 2018) et du rapport sur « Les ONG et les juges de la CEDH » (février 2020) téléchargeable sur le site de l’ECLJ (https://eclj.org/).