Manifestation anti-passe sanitaire © DR

Inquiétant déclin du débat

ÉDITORIAL

Nous venons de vivre un été rythmé par la question obsédante de la crise sanitaire qui, tous les jours, fait la Une des informations. Alors que nous sommes loin de la situation dramatique du printemps 2020 (en termes d’hospitalisations et de morts) malgré l’apparition du « variant Delta », certes beaucoup plus contagieux mais aussi moins dangereux, semble-t-il, le président Macron a décidé le 12 juillet d’instaurer un « passe sanitaire » touchant jusqu’aux activités de la vie ordinaire, bien qu’il ait juré quelques mois plus tôt qu’il n’irait jamais jusque-là.

Effrayés par le discours de peur omniprésent soigneusement entretenu, ni le Parlement ni la majorité de nos concitoyens, ni même le Conseil constitutionnel n’ont rien trouvé à redire à la mise en place de ce contrôle sans précédent de nos vies quotidiennes : ainsi rassurés, ils ont accepté sans hésiter un tel recul des libertés. Le problème, toutefois, n’est pas seulement le passe sanitaire en lui-même, mais aussi la façon dont le gouvernement l’a imposé et a géré cette crise depuis son apparition.

Une gestion de la pandémie contestable

Nous ne nions nullement qu’il a été confronté à une pandémie mondiale inédite et qu’il n’était pas aisé de choisir la meilleure stratégie à mettre en œuvre qui tienne compte à la fois de la primauté du bien commun et du respect des libertés fondamentales. Que le gouvernement puisse se tromper en pareil cas est compréhensible. Ce qui l’est moins, ce sont ses mensonges et ses volte-face, son autosatisfaction fièrement proclamée là où l’on aurait attendu humilité et regret des erreurs commises – comment, dès lors, faire confiance à de tels dirigeants ? –, c’est surtout d’avoir mené sa politique sanitaire de façon autoritaire et opaque en infantilisant la population d’une manière honteuse, sans jamais vraiment mettre dans la balance les maux occasionnés par ses décisions, refusant même tout débat à ce sujet, pire, stigmatisant systématiquement tous les avis divergents, comme s’il n’y avait pas d’autres options possibles – il n’est que de voir le mépris affiché envers le Pr Raoult ou envers les opposants au passe sanitaire, dont le nombre croît chaque semaine, qualifiés d’antivax, de demeurés ou de complotistes. Il est interdit en France de s’interroger sur le bien-fondé de la vaccination pour tous. Pour Luc Ferry, ces opposants ne peuvent être que des malades, des « psychotiques » ou des « névrosés » (Le Figaro du 12 août) : à quand l’asile psychiatrique ?

Cette affaire est tristement significative de la crise profonde de nos démocraties dont l’un des aspects importants est le rétrécissement constant du champ du débat. Nombre de sujets cruciaux qui déterminent nos vies et l’avenir sont ainsi exclus des instances institutionnelles où sont censés se dérouler ces débats, notamment le Parlement et les grands médias. C’est le cas, par exemple, pour ce qui touche à la nation, sa souveraineté et l’Europe ; le mouvement de déconstruction anthropologique aujour­d’hui à l’œuvre ; les lois limitant la liberté de penser (anti-raciste, anti-homophobie, anti-islamophobie…). Etc.

Aussi, le débat institutionnel étant verrouillé, il s’est déplacé vers des médias alternatifs, petite presse libre et indépendante ou médias nés de l’internet (réseaux sociaux, blogs, sites) qui ont le mérite immense d’ouvrir un espace de liberté qui n’existe plus ailleurs. Le problème est qu’on y trouve le meilleur et le pire (souvent en raison de l’anonymat), ces médias ne pouvant guère vérifier ce qu’ils affirment et propageant parfois des thèses plus ou moins farfelues.

Il est légitime de poser des questions

Bref, tout en étant conscient des enjeux sanitaires et sans être opposé à la vaccination, il est légitime de s’interroger sur la voie dans laquelle on nous engage – vers une société de surveillance – puisque le gouvernement n’a pas jugé bon d’en débattre démocratiquement. François-Xavier Bellamy souligne à juste titre que « pour la première fois dans notre histoire, il faudra présenter un document de santé pour effectuer les actes les plus simples du quotidien – prendre un train, entrer dans un magasin, aller au théâtre… L’accès à un espace public sera différencié selon nos données de santé. Comment une telle révolution peut-elle s’opérer avec une justification si faible, sans vrai débat parlementaire, et en caricaturant tous ceux qui osent s’en inquiéter ? » (Le Figaro du 15 juillet). Ce passe sanitaire est au demeurant particulièrement hypocrite en ce sens qu’il revient à une vaccination obligatoire sans le dire, puisqu’il fait des non-vaccinés des citoyens de second rang n’ayant pratiquement plus accès à la vie sociale.

Était-il nécessaire d’en arriver là ? C’est de cela qu’il eut fallu pouvoir discuter ! Nous connaissons maintenant mieux le Covid que lorsqu’il est apparu et nous savons cibler les plus vulnérables : pour les personnes en dessous de 40 ans et sans facteur de comorbidité, le risque de décès est très faible. Dès lors que la population la plus exposée est protégée par le vaccin de façon certes imparfaite mais réelle, pourquoi imposer de fortes restrictions de liberté à tous ? Pourquoi imposer aux adolescents et aux jeunes qui ne risquent quasiment rien un vaccin à ARN Messager sur lequel on n’a aucun recul quant aux effets à long terme, notamment pour leur descendance ? Les vaccinés étant préservés des formes graves du virus, les non-vaccinés ne sont donc une menace que pour eux-mêmes. Je ne prétends pas connaître la stratégie idéale pour lutter contre cette pandémie, j’affirme en revanche que l’on devrait pouvoir en débattre sans que des Français soient insultés ou discriminés en raison de leurs opinions.

Christophe Geffroy

© LA NEF n°339 Septembre 2021