Fabien Bouglé s’était fait remarquer en 2019 en publiant Éoliennes, la face noire de la transition écologique (Le Rocher). Il publie un nouveau livre (1) dont il nous parle ici.
La Nef – Alors que le nucléaire est la bête noire des écologistes, vous défendez le nucléaire comme une énergie verte : comment expliquer ce paradoxe et en quoi cette énergie est-elle « verte » ?
Fabien Bouglé – Aujourd’hui 70 % des émissions de gaz à effet de serre et de particules fines dans le monde sont dues à l’utilisation des énergies fossiles (charbon, gaz ou pétrole). Or, des chercheurs de Harvard ont établi que 10 millions de personnes décédaient chaque année dans le monde à cause de cette pollution. De son côté, l’électricité nucléaire n’émet aucun rejet polluant dans l’atmosphère. Les fumées blanches des tours de refroidissement n’étant que de la vapeur d’eau.
Cela explique pourquoi, l’Allemagne – qui est le très mauvais élève de l’Union Européenne – a produit en 2019 son électricité à hauteur de 31,7 % par les énergies renouvelables et 47,5 % par l’énergie fossile émettant jusqu’à 10 fois plus de gaz à effet de serre que la France. Notre pays est membre des pays les plus décarbonés dans le monde grâce à ses centrales nucléaires et à son hydroélectricité représentant environ 80 % de sa production électrique.
Que répondez-vous à ceux qui craignent le nucléaire depuis les accidents de Tchernobyl et Fukushima, et qui mettent en avant le problème des déchets radioactifs que l’on est obligé de stocker ?
Les déchets radioactifs les plus dangereux représentent en cumulé seulement 4000 m3 soit 0,2 % du total et 95 % de la radioactivité. Pour l’essentiel les déchets des centrales sont non dangereux et représentent en volume 1,6 million de m3 mais 0,2 % de la radioactivité totale. Ils sont anodins pour l’environnement et sous contrôle. En outre, des innovations mondiales envisagent d’utiliser les déchets très radioactifs comme combustibles des centrales de nouvelles générations tout en supprimant leur radioactivité. Gérard Mouroux, prix Nobel de Physique en 2018, a également fait des pas de géant dans le domaine du laser pour atténuer la radioactivité des déchets.
Concernant les accidents nucléaires, ces derniers ont été instrumentalisés par les activistes antinucléaires qui servent en sous-main les intérêts de l’Allemagne qui veut imposer son modèle d’Energiwende d’éoliennes couplées au gaz Russe. Il est admis que la mortalité de Fukushima est due pour l’essentiel au Tsunami. Un seul mort a été identifié dans le personnel de la centrale. Cela n’enlève en rien qu’il faut être particulièrement vigilant en la matière et depuis la catastrophe de Tchernobyl d’importantes innovations ont été mises en œuvre pour la sûreté des centrales.
Du fait de choix politiques, la France qui était un leader mondial du nucléaire n’est-elle pas aujourd’hui dépassée et cela peut-il se redresser ?
Nous ne sommes pas dépassés mais à la croisée des chemins. Le rachat par EDF des turbines de centrale nucléaire de Général Electric est une très bonne décision du Président Macron. Nous ne devons plus attendre pour nous repositionner dans le nucléaire d’avenir. Le harcèlement antinucléaire par de prétendues associations écologistes doit cesser. Quant à la filière, elle doit se donner les moyens d’expliquer aux Français en quoi notre patrimoine nucléaire est une opportunité pour la France et les Français. Nous disposons d’une expertise scientifique de premier plan et d’un nombre important de réacteurs nucléaires de recherches. À nous de relancer cette belle endormie !
Finalement quelle politique proposez-vous pour la France en matière énergétique ?
Nous devons passer d’une « transition énergétique » allemande basée sur les énergies renouvelables couplées au charbon ou au gaz à une « disruption énergétique » française fondée sur un mix nucléaire. Son caractère décarboné permettra de développer cette industrie, créer des emplois et participer à la baisse des factures pour les ménages et les entreprises. L’augmentation actuelle du prix de l’électricité dans le marché spot est due à cette marche forcée dans les énergies renouvelables en Europe et risque de peser très fortement sur la compétitivité de nos entreprises.
Nous devons d’urgence stopper le financement et le déploiement des éoliennes et des panneaux photovoltaïques dont nous pouvons évaluer le coût public à 250 milliards d’euros. Les économies réalisées nous permettront de financer la mise en place d’une « Silicon Valley » du nucléaire en France, de construire plusieurs EPR, de développer la recherche dans les réacteurs de nouvelles générations et de concentrer nos efforts sur les innovations en matière de sûreté et d’utilisations des déchets nucléaires comme combustible d’avenir. Le projet Astrid qui prévoyait la recherche en ce sens sur les réacteurs à sodium liquide de quatrième génération, arrêté alors que Russes et Chinois y travaillent, doit être réactivé en urgence.
Propos recueillis par Christophe Geffroy
(1) Fabien Bouglé, Nucléaire, les vérités cachées. Face à l’illusion des énergies renouvelables, Éditions du Rocher, 2021 (à paraître le 6 octobre), 290 pages, 15,90 €.
© LA NEF n°340 Octobre 2021