L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié de nouvelles « lignes directrices » consolidées sur l’avortement au mois de mars 2022. Loin de s’en tenir à leur mission d’assistance et de conseil aux professionnels de la santé, le document promeut une libéralisation complète et sans précédent de l’avortement. Il recommande, entre autres, la légalisation de l’avortement à la demande et sans condition jusqu’au terme de la grossesse, la réduction de la liberté de conscience des professions médicales et de ne pas informer les parents en cas d’avortement pratiqué sur leur fille mineure.
Ce document n’a pas de valeur juridique contraignante : il n’a pas été adopté par les États, ni par le Secrétariat de l’OMS, mais par un groupe de travail. Il dispose toutefois d’une forte autorité politique et médicale et va servir de référence dans le monde entier.
Ces lignes directrices reposent sur l’affirmation selon laquelle il est impératif de libéraliser l’avortement afin de protéger la santé et la vie des millions de femmes qui avortent chaque année illégalement, et donc dangereusement. Toute limite posée à l’accès à l’avortement serait une « barrière » mettant en danger la « personne enceinte » désireuse d’avorter,
Cette affirmation est fallacieuse à plusieurs titres. D’une part, elle repose sur l’idée que l’avortement serait une fatalité impossible à prévenir, ce qui est démenti par l’expérience menée dans plusieurs pays ; la prévention de l’avortement étant d’ailleurs un engagement des États en droit international.
Elle repose ensuite sur l’idée que la mortalité maternelle serait plus forte dans les pays qui restreignent l’accès à l’avortement, ce qui est également faux, car à niveau de développement équivalent, il arrive que la mortalité maternelle soit moins élevée dans les pays qui limitent fortement l’avortement. C’est le cas par exemple de Malte et de l’Italie où le taux de mortalité maternelle est respectivement de 3 et 4 sur 100 000, alors qu’il est de 9 en France. Il est même de plus de 22 pour 100 000 aux États-Unis.
Elle repose encore sur l’idée que l’avortement serait une intervention médicale sûre, ce qui revient à ignorer les conséquences psychologiques, affectives et sociales de l’avortement tant pour la femme, que pour sa famille.
Les « lignes directrices » reposent enfin sur le mensonge selon lequel l’enfant conçu ne serait que du « tissu de grossesse » qu’il faut jeter avec le « matériel biologique », alors même que la science, les religions et le droit de nombreux pays reconnaissent à l’enfant la qualité d’être humain dès avant sa naissance.
Pour expliquer cette prise de position extrême de l’OMS, il suffit de considérer les auteurs et le financement des « lignes directrices », ainsi que l’orientation historique de l’OMS, en matière d’avortement.
Les auteurs. – Pour élaborer ces « lignes directrices », l’OMS a consulté 121 experts extérieurs à l’organisation. Or, il apparaît que 81 de ces « experts » sont engagés en faveur de l’avortement, certains à titre professionnel (1).
Le financement. – Le département de l’OMS au sein duquel ont été élaborées ces « lignes directrices » – le Human Reproduction Program (HRP) – est financé exclusivement par des contributions volontaires en provenance principalement de quelques pays anglo-saxons connus pour leur engagement historique en faveur du contrôle démographique, mais aussi de la France, et par des fondations privées. Parmi celles-ci, la fondation du financier Warren Buffet se distingue : elle a versé 55 millions de dollars au HRP en 2020, soit la majorité de son budget. Warren Buffet est engagé en faveur de l’avortement et du contrôle démographique, au même titre que son ami Bill Gates qui finance aussi, et plus encore, l’OMS.
L’institution. – Le Human Reproduction Program (HRP) est une entité instituée en 1972 conjointement par l’OMS, la Banque Mondiale, le Fonds des Nations unies pour la Population (FNUAP) et le Programme des Nations unies pour le développement. Il est spécialisé en matière de « santé reproductive » et s’inscrit dans la politique globale des Nations Unies en matière de contrôle démographique. Dans la direction du HRP, une place prépondérante est assurée à ses principaux États donateurs ainsi qu’aux organes des Nations unies. Particularité : la Fédération Internationale du Planning Familial (IPPF) est membre permanent de son Conseil d’administration. Sans surprise, les cadres du HRP sont généralement choisis parmi ceux du lobby de l’avortement et du contrôle démographique.
Ainsi ces « lignes directrices » constituent un nouvel exemple de corruption des instances internationales, comme l’avait déjà exposé Mgr Michel Schooyans (2) dans La face cachée de l’ONU (Le Sarment, 2000), et à qui il convient de rendre hommage.
Grégor Puppinck
(1) Par exemple, onze de ces experts ont touché près de 1,8 million de dollars au cours de leur carrière en provenance de la Society of Family Planning & SFP Researcher Fund, tandis que douze ont travaillé pour l’IPAS, sept pour le Population Council et quatre pour le Center for Reproductive Rights (CRR), entre autres. Ces organisations sont les principaux lobbys de l’avortement.
(2) Mgr Michel Schooyans (1930-2022), décédé le 3 mai dernier, était un grand théologien belge spécialisé dans les questions éthiques des relations internationales (il a été consulteur du Conseil pontifical pour la Famille). Il était intervenu plusieurs fois dans La Nef dont il était un fidèle lecteur (ndlr).
© LA NEF n°349 Juillet-Août 2022