La fabrique du consentement illustrée par la gestion de la pandémie est décodée magistralement par le romancier Laurent Gounelle (1).
Économiste de formation, Laurent Gounelle est l’auteur de romans qui sont de grands succès de librairie et traduits dans le monde entier. Il n’a pas d’engagement politique ou religieux particulier. Son dernier roman, Le Réveil (1), est le prétexte à une saisissante analyse des outils de manipulation des masses mis en œuvre ces dernières années dans le cadre des « mesures sanitaires » contre la pandémie covidienne. L’histoire qu’il narre est une transposition évidente de ce qui s’est passé depuis 2020. Son héros, un jeune ingénieur, croit ce que les médias lui assènent, jusqu’à ce qu’un ami psychosociologue, disciple du linguiste américain Noam Chomsky, lui dessille les yeux en retraçant l’origine américaine des techniques de modelage de l’opinion publique nées dès la Première Guerre mondiale (pour entraîner le pays dans le conflit) et leurs développements politiques et commerciaux.
Au cœur du livre, Gounelle montre de manière magistrale comment les méthodes communistes de coercition et de torture pour obtenir la confiance (utilisées notamment contre les soldats américains prisonniers des Chinois), résumées par le sociologue américain Albert D. Biderman, ressemblent étrangement aux décisions imposées lors de la crise du Covid. L’isolement est le premier moyen : sans soutien social, la victime devient dépendante de l’autorité – c’est ce qui s’est passé avec les confinements et l’extension du télétravail. La monopolisation de la perception, en fixant l’attention sur la situation difficile immédiate et l’élimination des informations qui divergent de celles contrôlées par l’autorité – on a vu comment les médias ont diffusé en boucle la même information, énumérant quotidiennement le nombre de morts et d’hospitalisés, suscitant ainsi la peur mais aussi l’espoir que l’État apporte la solution. L’induction de débilitation, par des contraintes prolongées ou l’écriture forcée – comme remplir une attestation pour chaque déplacement. Les menaces et les changements de traitement incompréhensibles – amendes élevées, modification des règles (confinement, déconfinement, couvre-feu…). Les indulgences occasionnelles qui encouragent l’obéissance et empêchent de s’adapter à la situation – comme la levée provisoire du confinement, poussant à s’en remettre aux gouvernants qui restituent un peu de liberté. Les démonstrations de puissance qui suggèrent la futilité de la résistance – contrôles de police intempestifs, P.V., radiation des soignants non vaccinés… L’humiliation, souvent utilisée par la raillerie contre les contrevenants aux règles. Faire respecter des exigences dénuées de sens, comme remplir chaque jour une attestation de sortie comportant l’heure précise de départ. Émettre des injonctions paradoxales, comme l’ordre « Sois spontané » ou « Obéissez et vous serez libre ». Caricaturer la position des résistants pour empêcher tout débat. Instaurer des clivages en flattant les consentants et désignant les résistants comme responsables de la situation, et l’on a vu les dégâts provoqués au sein même des familles. Infantiliser les gens. Conjuguer flatterie et culpabilité. Étiqueter les résistants en les assimilant à une mouvance honteuse : « complotistes » ! Le personnage de Gounelle remarque : « Il fallait être naïf pour ne pas chercher l’intention cachée derrière les décisions des gouvernants. Quand on pensait au nombre de complots ayant été ourdis ces cent dernières années, il y avait clairement moins de complotistes que de comploteurs ! » Pratiquer la gradualité en introduisant étape par étape des mesures qui ne seraient pas acceptées si elles étaient imposées d’un bloc. Obscurcir les repères informationnels, en n’offrant au peuple que le discours officiel.
Ce que craint Gounelle, c’est « une mise en place progressive, graduelle, d’un système de contrôle social à la chinoise ». Or, puisque les réseaux sociaux habituent dès le plus jeune âge à rechercher la popularité, l’approbation des autres (les Like de Facebook), la peur du jugement des autres « poussera à suivre comme des moutons les injonctions du pouvoir en place ». Le romancier entend alerter ses contemporains sur l’utilisation de techniques qu’ils ignorent et menacent leur libre arbitre. Il dénonce le « silence assourdissant » des artistes sur la situation actuelle et sait qu’il prend un risque en écrivant ce livre si troublant.
Denis Sureau
(1) Laurent Gounelle, Le Réveil, Calmann-Lévy, 2022, 194 pages, 15 €.
© LA NEF n°352 Novembre 2022