Déclin du catholicisme nouvelle évangélisation

Déclin numérique du catholicisme : état des lieux et urgence d’une nouvelle évangélisation

Face au déclin du catholicisme dont tout le monde parle, il faut savoir mettre des mots – et surtout, des chiffres. Brève analyse de ce déclin du catholicisme, qui ouvre à la reconnaissance de l’urgence d’une nouvelle évangélisation.

L’année 2021 est marquée par des recensements fournissant dans bon nombre de pays des indications sur le paysage religieux. Or, ces recensements montrent un déclin assez net en termes de nombre de croyants de l’Église catholique.

Celle-ci est particulièrement marquée en Europe et dans les pays de peuplement européen. Quelques chiffres suffisent à donner le tournis. En Hongrie, 67% de la population était catholique en 1992. En 2011, ce pourcentage s’élève à 39%. En Slovaquie, ce pourcentage s’élève à 60% alors qu’il était de 73% en 2001. En République tchèque, certes pays historiquement peu croyant, on peut parler d’un effondrement total avec une proportion passée de 1991 à 2021 de 39% à 9% de la population. Dans les pays baltes, l’érosion est plus faible en Lituanie, seul pays à majorité catholique mais elle n’en est pas moins réelle avec un passage de 77 à 75% de la population entre 2011 et 2021. En Croatie, le nombre de catholiques est passé de 86% en 2011 à 79% de la population en 2021.

Enfin, les pays d’Europe occidentale voient également un déclin de la proportion de catholiques qui passe de 35 à 26% des fidèles en Allemagne de 1991 à 2021. Aux Pays-Bas, le catholicisme stable de 1830 à 1970 avec 40% de la population – et qui comptait encore 30% de la population en 2005 – n’en représente plus que 18,3%, et la courbe décline de plus en plus vite. Si les sondages semblent montrer une stabilisation du nombre de Belges et de Français se déclarant catholiques, ce qui est une évolution très positive, la pratique religieuse continue à baisser ce que montre très bien pour la France les livres de Jérôme Fouquet et de Guillaume Cuchet. Enfin, la proportion d’Irlandais se déclarant catholiques est passée de 89 à 78 % de 2002 à 2016 dans un pays qui fut un bastion du catholicisme.

Ce déclin n’est pas cantonné à l’Europe mais touche aussi les pays de peuplement européens. Le Canada comptait en 1951, 43% de catholiques et en 1991 45%. Il ne compte plus que 30% de catholiques en 2021. En Australie, le pourcentage de catholiques était resté presque stable de 1901 à 2011 en passant de 30 à 25%. Entre 2011 et 2021, il est passé de 25 à 20% de la population. En Nouvelle-Zélande le pourcentage de catholiques est resté de 14% de la population de 1901 à 2001. De 2001 à 2018, il est passé de 14 à 10%.  Enfin aux États-Unis le pourcentage de catholiques qui restait stable autour d’un quart de la population jusqu’en 2007 est désormais d’un cinquième.

Pour certains pays, la déchristianisation s’est donc opérée dans les trente dernières années ou est même en train de s’opérer actuellement. Certes, dans les pays évoqués, elle s’est accompagnée d’une baisse préalable de la pratique. Mais les non pratiquants qui se définissaient encore auparavant comme catholiques ne le font plus, ou de moins en moins.

En Amérique latine, le déclin du catholicisme est très net. Jusqu’aux années 1960, 90% de la population est catholique. Maintenant, d’après les enquêtes des sondages, ce serait 69% avec un déclin de plus de 30 ou 40 points au Brésil et en Amérique centrale. Les recensements dans les pays en développement comme le Brésil et le Pérou confirment ce déclin.

Enfin, le catholicisme semble aussi en déclin en Afrique. Au Ghana, le nombre de personnes se déclarant catholiques est passé en 20 ans de 15 à 10% de la population et au Kenya, la décennie 2010 s’est traduite par une baisse de 23,5% à 20% du nombre de catholiques. En Afrique du Sud, la proportion de catholiques est passée de 8,6% en 1996 à 6,8% en 2016 (bien que la vitesse du déclin semble diminuer). Enfin au Rwanda, l’Église catholique ne compte plus que 43% de la population dans le recensement de 2012 alors qu’elle comptait en 2002 57% de la population. Si dans d’autres endroits comme au Burkina Faso, au Mozambique ou au Tchad la situation de l’Église catholique reste stable, elle n’a pas non plus de dynamiques de conversions importantes.

Le déclin de l’Église en termes numériques est donc une réalité qu’il faut regarder en face. Si le but de l’Église n’est pas le nombre pour le nombre, ce déclin signifie que moins de personnes ont accès au Chemin, à la Vérité et à la Vie, et que l’évangélisation est en recul. Ce déclin a aussi de graves conséquences pour la vie ecclésiale et pastorale en rendant plus dur l’entretien des églises, le maintien de structures catholiques ou encore l’expression de la conception catholique sur un certain nombre de sujets. Si le déclin du catholicisme en Europe occidentale et en Amérique du Nord est clairement lié à la sécularisation, tel n’est pas le cas en Amérique latine et en Afrique où il est essentiellement porté par la dynamique des mouvements pentecôtistes voire de nouvelles églises nées en Afrique appelées par le sociologue Sébastien Fath (églises d’institution africaines).

La question est donc la suivante : que faire ?

Tout d’abord, se rendre compte que l’évangélisation est liée à une vision du monde missionnaire. Les églises protestantes non évangéliques (luthériens, calvinistes, anglicans), par exemple, acceptent des convertis, mais ne voient pas l’urgence spirituelle de l’évangélisation. Au sein de l’Église catholique, les initiatives missionnaires (en France, le congrès Mission par exemple) sont bienvenues, mais le simple fait qu’elles soient spécifiques est révélateur de l’urgence qu’il y a à recréer une église missionnaire. Les églises évangéliques considèrent que ceux ne connaissant pas le Christ ne seront pas sauvés, donc elles cherchent à évangéliser et elles évangélisent.

Ensuite, transmettre. Un certain nombre de groupes religieux non-missionnaires arrive à avoir une forte dynamique malgré cela. On peut penser aux amish, aux juifs ultra-orthodoxes ou encore aux mennonites. La raison de leur succès est simple : des familles nombreuses et une très forte transmission. Si le catholicisme pratiquant entraîne des familles nombreuses, la transmission de la foi doit être revivifiée.

Enfin, évangéliser en prenant conscience de la ressource de sens que peut offrir le catholicisme. Dans un entretien à La Vie, Guillaume Cuchet disait l’urgence d’un christianisme culturel en le définissant de la manière suivante : « un ensemble de ressources ordinaires et extraordinaires, personnelles et collectives, intellectuelles et rituelles, qu’une espérance, fût-elle enveloppée dans une simple fidélité, suffit à activer. Elles comportent par ordre d’importance : une identité (non exclusive), des connaissances (sans lesquelles une bonne partie de notre culture est inintelligible), une vie communautaire possible, une distance critique vis-à-vis du monde, une exigence d’altruisme, le moyen de hiérarchiser dans le « bon » ordre les priorités de l’existence et de faire face à ses épreuves. ».  L’Église catholique offre un message, une vision du monde, un socle de valeurs, un patrimoine esthétique et littéraire qui peuvent attirer des gens, y compris si ceux-ci ne sont pas croyants, et être pour eux une découverte de la foi. À ce niveau, d’ailleurs, on peut se demander si la culture ne devrait pas redevenir un champ d’évangélisation important. Pour ne prendre qu’un exemple, si le catholicisme de Tolkien a nourri sa création du Seigneur des anneaux, les œuvres catholiques au niveau des films ou des séries peinent actuellement à toucher un public qui n’est pas déjà catholique et la pop culture est massivement indifférente – au mieux – au catholicisme (malgré quelques exceptions réjouissantes).

Si les chiffres bruts doivent nous faire réaliser le déclin du catholicisme avec le pessimisme de l’intelligence, l’optimisme de la volonté doit toujours nous guider. L’Église a déjà connu des crises parfois fortes et elle a toujours réussi à les surmonter. Mais pour surmonter une crise, il faut d’abord l’identifier puis y répondre, et dans ce cas la récolte peut être abondante. Comme dit Luc en 10 : 2, « La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. »

Rainer Leonhardt

© LA NEF mis en ligne le 14 mars 2023, exclusivité internet